Fiche de lecture / A. Popescu-Belis

Derek BICKERTON, Language and Species

Bickerton, Derek (1990) - Language and Species, Chicago: The University of Chicago Press (X + 297 pp., bibliographie et index).

Plan de l'ouvrage (titres originaux)

Preface (2 p.)
Introduction (6 p.)
1. The continuity paradox (18 p.)
2. Language as Representation: The Atlas (22 p.)
3. Language as Representation: The Itineraries (28 p.)
4. The Origins of Representational Systems (30 p.)
5. The Fossils of Language (25 p.)

6. The World of the Protolanguage (34 p.)
7. From Protolanguage to Language (34 p.)
8. Mind, Consciousness and Knowledge (34 p.)
9. The Nature of the Species (23 p.)
Epilogue (4 p.)
Notes (14 p.)
References (18 p.)
Index (7p.)

1. Le paradoxe de la continuité

Lorsqu'on étudie les origines du langage, on se heurte au paradoxe suivant : le langage humain est trop complexe pour être apparu comme le résultat d'une mutation brutale, mais s'il a évolué graduellement on est néanmoins dans l'impossibilité d'en identifier les états intermédiaires. La complexité du langage humain est indiscutable, mais les deux grands courants qui la décrivent ("formaliste" et "antiformaliste") n'apportent pas de réponse satisfaisante au problème de l'évolution.

Le principal antécédent évolutif proposé ont été les systèmes de communication animale, tels la danse des abeilles (génétiquement programmée) ou les cris d'alerte de certains singes. Ces derniers demeurent cependant très éloignés du langage humain : ils ne décrivent que des entités présentes et sont limités à celles cruciales pour l'espèce (serpent, aigle, tigre)[1]. Il ne s'agit donc pas d'un antécédent possible pour le langage.

Ceux qui défendent ce point de vue oublient la capacité représentationnelle très développée du langage, qui suggère que celui-ci trouve son origine dans les systèmes de représentation (cérébrale) dont les espèces supérieures sont munies.

2. Le langage comme représentation : l'atlas

Ce chapitre développe la métaphore de la carte (ou atlas), constituant une représentation d'une partie de la réalité. L'atlas représente l'information de façon globale et statique, alors qu'un guide des itinéraires, moins complet, donnerait en échange des indications pour relier deux points sur la carte. Le langage peut être comparé aux deux.

Les concepts sont vus comme l'abstraction d'un ensemble de traits perçus, tel le concept de léopard (présent aussi chez le singe sous une forme rudimentaire, très dépendante des perceptions). Mais chez l'homme le système des concepts est extrêmement autonome, ancré souvent plus dans la culture que dans la perception, et contenant aussi des concepts dépourvus de référents réels.

Pour répondre à la question philosophique du statut des concepts et des mots associés (p.ex., classes ou prototypes ?), on peut suggérer que c'est l'utilité fonctionnelle qui fonde les concepts ; les percepts déclenchant des réactions analogues seront classés sous le même concept. On analyse ainsi la différence entre 'arbre' et 'buisson', ainsi que 'léopard', 'voleur' et 'paranoia'. Cette description des concepts ne doit pas faire oublier la tendance du système à l'autonomie (par rapport à la réalité), à la complétude (d'où les concepts sans référent et ceux peu pertinents pour les besoins de notre espèce) ainsi que l'organisation hiérarchique des concepts.

A côté des concepts dénotant des entités, le langage humain représente aussi leurs comportements et leurs propriétés, à l'aide de verbes et d'adjectifs. La distinction sujet-verbe est fondamentale et universelle. Il n'existe pas de langue représentant ensemble une entité et son comportement ('cowgrazing' vs. 'sheepgrazing' ou 'cowrunning'). Les concepts dénotant des propriétés s'organisent aussi en système, tels certaines classes d'adjectifs (la gamme des couleurs, les paires d'adjectifs) ou de verbes, et DB donne une analyse originale de l'expression de l'existence, de la location ou de la possession.

3. Le langage comme représentation : les itinéraires

Une fois la "carte" décrite, il faut montrer comment s'organisent les "itinéraires", i.e. comment on peut grouper les concepts en unités plus longues, décrivant une situation. Trois propriétés essentielles caractérisent cette possibilité de structuration du langage : la prédicabilité, l'existence de mots grammaticaux et la syntaxe.

* la prédicabilité est la propriété qu'on certains prédicats (verbaux ou nominaux) de ne s'appliquer qu'à certaines classes d'entités. Si on classe les prédicats selon l'inclusion des classes auxquelles ils s'appliquent on obtient un arbre (Keil-Sommers), que les enfants maîtrisent rapidement.

* les mots grammaticaux ne signifient rien par eux-mêmes, et ne désignent en fait aucune entité ou prédicat (il y a en réalité un continuum dans l'absence d'un sens indépendant). Ces mots servent de "liant" dans une phrase, et précisent les rapports des autres mots "pleins" (rapports de position, temps, nombre, direction, familiarité, possibilité, possession, but, etc).

* la syntaxe enfin concerne l'ordre des mots dans une phrase. Les connaissances actuelles suggèrent qu'une structure arborescente sous-tend chaque suite de mots ; le formalisme X-barre permet de décrire ces propriétés à l'aide d'un nombre réduit de principes. Entre autres, le noyau des phrases est le verbe muni de sa structure d'arguments, reliant en fin de compte syntaxe et sémantique. Les positions et même l'expression des arguments (manifeste ou à l'état de trace) varient selon certaines règles.

4. L'origine des systèmes de représentation (SR)

Le chapitre 1 avait montré qu'il ne faut pas chercher les origines du langage dans les systèmes de communication des animaux, mais dans les leurs systèmes représentationnels (SR). Pour résumer, la représentation est vue ici comme un changement d'état interne corrélatif à un changement externe, entraînant en principe des réactions de l'organisme. La représentation est 'a difference that makes a difference', elle concerne premièrement les phénomènes vitaux ou pertinents pour l'organisme. Divers cas sont passés en revue, en commençant par les plantes carnivores et les anémones.

Au fur et à mesure que des combinaisons de stimuli plus complexes peuvent être agrégées dans des représentations, y compris de stimuli intéroceptifs, on peut dire que le SR devient de plus en plus autonome par rapport à l'environnement. Les représentations qui requièrent les mêmes réactions donnent naissance aux catégories, vues ici comme la base non linguistique des concepts. Certains animaux peuvent reconnaître des catégories assez complexes, et ceci a été étudié dans le cas des pigeons.

Au delà de la représentation des entités, les SR peuvent représenter l'espace, l'action et la notion de société de semblables,à différents niveaux selon le degré d'évolution Pour DB, tous ces systèmes seront regroupés dans le SR primaire (SRP) alors que la capacité linguistique donnera naissance au SR secondaire (SRS)[2.]

5. Les fossiles du langage[3]

Les stades précurseurs du langage sont-ils aussi inaccessibles que le pensent la plupart des linguistes ? Il y a en réalité plusieurs candidats au titre de "fossile du langage", parmi les formes situées aux frontières du langage.

* les singes peuvent apprendre, après entraînement à la langue des signes, un nombre réduit d'associations signe/catégorie, et s'en servir ensuite dans leurs activités, le plus souvent pour satisfaire un besoin. Il semble cependant établi que la capacité de structurer les signes dans un énoncé ne peut être acquise.

* les stades 'un mot' et 'deux mots' lors de l'apprentissage d'une première langue par l'enfant présentent des similitudes frappantes avec la situation des singes. Deux extraits de dialogues sont comparés, pour le singe et l'enfant, le deuxième apparaissant plus rudimentaire. Il n'y a en réalité pas de différence qualitative à ce stade, toutefois on remarque dans le vocabulaire de l'enfant un intérêt beaucoup moins limité aux entités qu'il désire, contrairement au singe.

* on décrit ensuite le cas de 'Genie', une jeune fille retrouvée à l'âge de treize ans, qui avait été sequestrée et tenue à l'écart de toute intéraction linguistique. Après enseignement, elle avait acquis un lexique relativement riche lui permettant d'exprimer beaucoup de choses, mais elle n'avait jamais acquis les moyens d'ordonner ses mots (items grammaticaux, ordre).

* les pidgins, qui sont des langues émergentes de contact sans être la première langue d'aucune population, partagent certaines caractéristiques avec les langages précédents.

Les quatre langages décrits conduisent à l'idée qu'il existe un mode de communication langagier plus rudimentaire que le langage standard, qu'utilisent les individus ne pouvant ou n'ayant pu acquérir ou développer celui-ci. Ce mode devient apparent aussi dans certains cas d'aphasie, étant en quelque sorte sous-jacent au langage standard, et cérébralement plus robuste que lui.

Bickerton appelle ce code protolangage, et donne cinq propriétés essentielles qui lui manquent par rapport au langage véritable :

* ordre des mots : significatif et contraint dans le langage ;

* existence d'éléments inexprimés (ex.: pronoms nuls) à certains endroits dans la phrase (afin de complémenter les verbes) obéissant à des règles précises ;

* nombre fixe d'arguments pour chaque verbe, devant nécessairement être exprimés (éventuellement par des éléments nuls) ;

* construction récursive de phrase plus complexes à partir de phrases plus simples ;

* omniprésence des items grammaticaux, morphologiques ou syntaxiques.

6. Le monde du protolangage

Ce chapitre passe en revue les données paléontologiques et tente d'évaluer le niveau linguistique à chaque stade de l'évolution de l'homme. Le langage actuel possède une composante lexicale, présente dans une grande mesure dans le protolangage, et une composante syntaxique. Il est cohérent de supposer que l'évolution du langage s'est faite en deux étapes, la composante morphologique étant le fruit de la première. Donc, à un certain stade de son évolution, et probablement pendant une très longue période, l'homme a utilisé un protolangage muni des propriétés décrites au chapitre précédent.

L'Homo habilis a été le premier à fabriquer des outils en silex, il y a environ 2.5 millions d'années (Ma). Ces outils étaient extrêmement rudimentaires, jusqu'à la production de la hache biface symétrique par l'Homo erectus, il y a 1.6 Ma, mais qui ne fut pas suivie d'autres progrès. Il ne semble pas qu'il y ait de connexion nécessaire entre la maîtrise du langage et la fabrication de tels outils ; au contraire, il serait même étonnant que, en possession du langage, l'Homo erectus se soit borné à reproduire la hache biface pendant une si longue période. Il est plus cohérent de supposer que l'Homo habilis n'utilisait aucun langage, et que l'Homo erectus a développé le protolangage, ce qui lui a permis certains progrès techniques. L''utilisation du protolangage a probablement entraîné aussi la modification anatomique du larynx et un meilleur contrôle de celui-ci.

Certaines prédispositions biologiques au langage sont ensuite examinées : ce sont d'abord les améliorations permettant la constitution d'un SR plus fin (vision binoculaire, mains préhensiles). Puis, le changement de milieu (passage à la savane) et l'utilisation d'outils (au départ peut-être fortuite) ont aussi accéléré l'enrichissement du RSP. Enfin, la vie de groupe a donné peut-être la dernière motivation ou impulsion vers le protolangage.

Parmi les avantages du langage (et aussi du protolangage) il y a la possibilité de l'apprentissage par construction. Précisons ce point de détail. DB distingue trois façons d'apprendre. On apprend par expérience lorsqu'on réalise une action par hasard et, celle-ci s'avérant bénéfique, on la reproduit dans des conditions similaires. On apprend par observation lorsqu'on reproduit une action accomplie par un autre, et qui s'est avérée bénéfique. L'apprentissage par construction consiste à découvrir l'action appropriée seulement en combinant les connaissances que l'on a sur les acteurs d'une situation. L'individu devient alors en même temps l'enseignant et l'élève, alors que dans les deux premiers cas, c'est l'environnement qui joue le rôle d'enseignant. Les primates peuvent certainement apprendre par observation, et dans certaines expériences aussi par construction, mais il faut que tous les éléments nécessaires à la solution soient présents. Seul le langage permet l'apprentissage par construction, pouvant conduire à des comportements nouveaux et remarquablement appropriés.

Pour revenir à l'évolution, l'Homo erectus a probablement utilisé et peut-être enrichi le protolangage durant environ un million d'années. Le fait qu'aucun progrès technique notable n'ait été enregistré durant cette période rappelle les limites du protolangage : absence de syntaxe et probablement de phonologie, d'où un répertoire limité de sons, et impossibilité d'exprimer des relations spatiales, temporelles, ainsi que des modalités.

7. Du protolangage au langage

On a proposé deux scénarios différents pour la transition de Homo erectus à Homo sapiens. Le scénario graduel affirme que l'Homo erectus avait occupé tout l'Ancien Monde et avait évolué de façon analogue de l'Europe à l'Extrême-Orient, vers l'Homo sapiens. Le scénario catastrophique affirme que Homo sapiens est une espèce distincte, apparue en Afrique suite à une mutation unique, il y a entre 290 et 140 mille ans (Ka). Cette espèce aurait quitté l'Afrique il y a au moins 70 Ka, et aurait peu à peu remplacé l'Homo erectus. Les restes fossiles semblent corroborer plutôt la première hypothèse, et les études génétiques la deuxième. L'évolution du langage est-elle compatible avec l'évolution graduelle ?

L'enfant, lui, passe assez brusquement d'un état proche du protolangage au langage quasi adulte (au vocabulaire près). La transformation des pidgins en créoles, qui coïncide probablement avec leur établissement comme langue maternelle, ne semble pas non plus comporter d'état intermédiaire.

Le scénario graduel rend difficilement compte de la rapide évolution technique constatée autour de la transition erectus/sapiens (outils, armes, art) ; qui plus est, cette évolution n'a pas été accompagnée d'un agrandissement visible de la boîte cranienne. Il est plus probable qu'elle soit due à l'apparition du langage, car si celui-ci avait émergé graduellement chez Homo erectus, sa production d'outils aurait dû évoluer aussi. Il y a cependant un important problème de concordance entre la date d'apparition présumée de l'espèce sapiens (entre -290 et -140 Ka) et la transition technique (-40 Ka seulement). Même si on peut rappeler que les outils en bois ne se conservent pas, et donc qu'il faut attendre la migration hors d'Afrique (-70 Ka) pour changer radicalement de matériau, il est plus prudent d'affirmer que le langage a seulement créé la possibilité de ces progrès techniques et que d'autres facteurs, p.ex. environnementaux, ont pu les déclencher.

On reprend à ce stade les trois traits caractéristiques du langage en essayant de donner une idée de leur origine possible, afin de minimiser les transformations imputables à la brusque transition ayant pu survenir (la mutation cruciale).

* les items grammaticaux ont pu émerger dans le protolangage. Ainsi, la négation d'une assertion provient assez naturellement de la réponse négative à une question. Les questions à leur tour nécessitent au moins des particules interrogatives variées (qui, quoi, où, quand) que l'on peut construire à partir d'une seule, à laquelle on ajoute un nom (qui-homme, qui-chose, qui-lieu, ...), tel que cela arrive dans certaines langues créoles. Sur le même modèle créole, on peut imaginer la construction, très utile, de prépositions spatiales à partir d'un seul locatif et d'autres mots pleins (à-aller, à-venir, à-tête, à-côté,...). Malgré leur utilité, on peut supposer que le protolangage n'utilisait pas de pronoms, mais des noms propres ; l'existence de quantifieurs modaux et temporels n'est pas à exclure.

* la structure d'arguments (ou thématique) des verbes semble profondément ancrée dans l'esprit humain, bien qu'elle ne soit pas entièrement déterminée par le contenu sémantique du verbe : il faut que l'appareil cognitif isole d'abord la situation, jusqu'à un certain niveau de granularité. Les rôles thématiques eux-mêmes proviennent d'importantes abstractions.

* la syntaxe est une capacité très complexe, et malgré les efforts d'unification entrepris par les grammairiens contemporains, on ne peut la réduire à moins de huit principes ou aspects quasi indépendants, que voici : (1) structure hiérarchique (théorie X-barre), (2) liage (des anaphores), (3) contrôle (des sujets nuls), (4) limite des déplacements, (5) distribution des rôles thématiques (théorie theta), (6) gouvernement, (7) système casuel, (8) processus de mouvement. En dépit de liens possibles (2-3, 2-3-4, 6-7), comment une seule mutation peut-elle rendre compte de l'apparition de six ou huit principes nouveaux ?

Au chap. 3, on a localisé au coeur de la syntaxe la projection des rôles thématiques dans la théorie X-barre, pourvu qu'un lexique suffisamment riche soit présent. On peut imaginer que la mutation cruciale ait consisté en une conjonction de ces trois capacités (et il faudrait dans ce cas montrer comment les huit principes précédents s'en déduisent). Qui plus est, cette mutation, à concevoir comme un mode nouveau de connexion neuronale plutôt que comme l'apparition d'une aire nouvelle, a dû donner naissance aux structures hiérarchiques caractéristiques de la syntaxe. Il s'agirait par exemple d'un processus d'aggrégation ascendante, tel celui de formation des 'images mentales' visuelles par la recombinaison des traits perçus. Le codage implicite de la fonction syntaxique dans l'architecture est corroboré par les symptomes des patients atteints d'aphasie de Wernicke (perte d'éléments du lexique) et même d'aphasie de Broca (la capacité de reconnaître la grammaticalité de certaines phrases persiste alors même que le patient ne peut produire des phrases syntaxiquement correctes).

On peut supposer que durant l'évolution de Homo erectus, la représentation du lexique dans le cerveau s'est enrichie et localisée, et son accessibilité s'est améliorée. Erectus pouvait alors produire rapidement de nombreux mots se rapportant à la situation décrite, mais dans le désordre [On pourrait selon DB rapprocher cet état, du 'langage' asyntaxique développé par certains jumeaux très proches en même temps que le langage normal. Dans leurs phrases, jusqu'à une dizaine de mots sont juxtaposés sans autre structuration, la proximité de point de vue rendant l'énoncé intelligible à l'autre jumeau seulement.] Ce qu'il fallait, c'était un mécanisme permettant d'organiser la 'salade de mots', et comme il y en avait déjà deux candidats, la mutation a pu réaliser simplement leur conjonction.

Le premier, c'était la structure de syntagme. Celle-ci est apparue peut-être afin d'ordonner les trois éléments nécessaires pour faire référence à une entité : (a) la classe de l'entité, (b) la ou les propriétés particulières à l'entité, et (c) la spécification de l'entité en termes de nombre, familiarité, proximité, etc. Or, ces trois aspects se retrouvent sur l'arbre élémentaire X-barre, et pas seulement pour les syntagmes nominaux. Plus généralement, le syntagme est ce qui permet d'aller de la classe vers l'individu, et donc la matrice apparue pour le syntagme nominal aurait par la suite été généralisée aux autres syntagmes. Le deuxième candidat était le fait que toute situation était découpée en unités structurant des arguments autour d'un verbe unique. L'utilisation d'une matrice telle que la précédente aurait permis d'insérer automatiquement le verbe et ses arguments dans l'énoncé.

La mutation aurait donc fortement connecté la zone du lexique à la zone où était analysée la structure des actions et des événements. Il faudrait aussi élucider les liens causaux entre l'apparition de la connectivité syntaxique, la modification de la forme du crâne et l'amélioration du tract vocal. Mais de toute façon les considération exposées ici devront sans doute attendre que notre connaissance du cerveau s'améliore.

8. Esprit, conscience et savoir

Le langage constitue un SRS, pouvant représenter des états du RSP, qui, lui, représente des états de l'environnement. Les processus de pensée agissent à partir des deux systèmes, et non plus, comme chez les primates même, à partir du premier (donc de l'environnement). Voici dans l'ordre les paragraphes constituant ce chapitre.

* Esprit et machine - tentative d'expliquer pourquoi les machines, n'étant pas des être vivants autonomes, n'ont pas de conscience. Mention aussi du 'frame problem', résolu chez les être vivants par leur câblage neronal, fruit de l'évolution.

* Esprit et langage - contre la modularité de la pensée, l'idée que la pensée repose sur un câblage analogue à celui qui fonde la syntaxe.

* Le langage et le soi - le SRS fournit précisément les moyens de s'examiner soi-même. Aussi, le paradoxe du menteur (crétois) provient d'une proposition qui s'applique au PRS, et non à la réalité (elle serait sans dénotation). De même, les divisions opérées dans la réalité ne sont pas toujours pertinentes (moi et mon bras, mais moi et mon cerveau ?).

* Le langage, la conscience et le cerveau - commentaires d'études de patients ayant subi une commissurotomie (séparation des hémisphères cérébraux) (travaux de Gazzaniga). La thèse de ce paragraphe est que le protolangage peut-être distribué dans les deux hémisphère, même si souvent il domine à gauche, alors que l'organisation syntaxique voire le SRS tout entier sont excusivement présents à gauche.

* Le 'moi-véritable' veut-il bien se manifester ? - quand on dit 'je' on se réfère en général au 'moi-accessible' c'est-à-dire à l'agent présumé des actes ou pensées dont on peut rendre compte en langue.

* L'ordre de la nature - notre SRS a une tendance au classement systématique et à l'exhaustivité. D'où la construction de systèmes de connaissances sophistiqués, qui durent tant qu'ils ne sont pas infirmés par la nature.

* Contraintes sur l'ordre de la nature - mais ces systèmes obéissent souvent à des contraintes qui n'existent pas dans la nature, seulement dans le système de représentation : dichotomie, puis division multiple d'un domaine de connaissances, appartenance exclusive à une classe, exhaustivité, explication causale, identification des agents.

* La 'quête de la vérité' - la 'vérité' est un nom dérivé de l'adjectif 'vrai', mais il s'agit d'une dérivation purement linguistique, et le nom est sans référent. La quête de la vérité est plus un dialogue avec nous-mêmes et avec la nature afin de maîtriser les connaissances nécessaires à notre espèce.

9. La nature de l'espèce

Voici les titres des paragraphes composant le chapitre.

* Négocier la réalité

* Négocier l'environnement

* Territorialité et contrôle social

* Technologie, inégalité et violence - L'inégalité est naturelle, mais elle est institutionalisée chez l'homme. La violence existe aussi à l'état naturel, mais la violence individuelle chez l'homme (nombre de meurtres) est fortement infériure à la violence organisée (guerres, états autoritaires, révolutions).

* La quatrième phase - Première : -200 à -40 Ka, chasseurs-cueuilleurs munis de langage, dans les régions (sub)tropicales. Deuxième : - 40 à -10 Ka, conquête des zones tempérées et des steppes, disparition des Néanderthaliens, 'domestication' de plantes et animaux. Troisième : -10 à +1.6 Ka, les hommes deviennent hautement territoriaux et organisés, apparition de la technologie, des inégalités et de la violence organisée. Quatrième phase : l'inégalité entre états apparaît, et les plus avancés atteignent une maîtrise technologique à l'échelle planétaire.

* Quelques problèmes des modèles

* Négocier le modèle

* Représentations dysfonctionnelles

* Notre place dans la nature

Epilogue, Notes, Bibliographie, Index