Vous pouvez consulter aussi une bibliographie des travaux de G. M. Edelman et des ses collaborateurs.
Ce glossaire n'engage naturellement que ma propre responsabilité.
Vient ensuite la sélection à travers l'expérience (experiential selection), qui consiste dans le renforcement de certaines synapses, et l'affaiblissement d'autres, comme résultat de la présentation répétée de grandes classes de stimuli, et des réactions développées peu à peu face à ces stimuli. Ces amplifications concernent des populations de synapses, et résultent de corrélations statistiques de signaux. Se forment ainsi les répertoires secondaires (secondary repertoires).
Enfin, il y a formation de cartes où se projettent les différentes couches sensorielles (sensory sheets), par sélection entre de nombreux groupes neuronaux isofonctionnels - d'où la variabilité phénotypique individuelle. Entre les cartes s'établissent des connexions réentrantes, qui leur permettent de corréler dans le temps leurs activités, d'échanger des informations concernant les stimuli, et former ainsi des n-uplets classifieurs.
On saisit cependant mal si les deuxième et troisième étapes ont lieu lors de chaque phase d'apprentissage, ou bien seulement au début de la vie, lorsque les grandes catégories perceptives se forment (cf. aussi (Manderick 1994)). On sait qu'il y a à cette époque certaines phases critiques pour la vision, par exemple, où une privation relativement courte entraîne des incapacités définitives. En revanche, à la maturité, l'apprentissage se révèle beaucoup plus robuste ; le mécanisme serait-il pourtant le même; (formation de répertoires, apparition de cartes connectées de façon réentrante), en dépit de ces différences ? On pourrait alors supposer seulement une différence de niveau : couches perceptives de bas niveau au début, couches supérieures ensuite.
Dans les modèles informatiques, Edelman utilise des unités (units) qui modélisent en gros des groupes de neurones, et non des cellules individuelles. Les différences essentielles par rapport aux neurones formels sont : le caractère statistique des connexions initiales ; la possibilité de réentrance, en entrée ou en sortie ; la nature de la réponse : synchrone, asynchrone, intermittente ; et surtout, au niveau de l'ensemble, la façon dont évoluent les liens synaptiques, décrite p.ex. dans (Finkel et Edelman 1984). Néanmoins, ces " unités " semblent posséder moins de fonctionnalités que celles évoquées pour un GN.
Il semblerait que pour Edelman les notions de répertoire et de carte appartiennent à deux modes de description différents et disjoints (les termes ne se mélangent jamais, dans le livre, et aucun n'est défini par rapport à l'autre). On peut supposer que le répertoire désigne simplement un ensemble de GN, éventuellement isofonctionnels, sans pour autant préjuger d'une éventuelle structuration de plus haut niveau, ou d'une connexion avec des couches sensori-motrices.
Les notions de répertoire primaire et secondaire sont liées aux étapes de formation du répertoire (cf. TSGN), donc semblent ne pas avoir d'intérêt pour décrire l'état adulte, ou achevé. Une modélisation informatique, en particulier, construirait directement une structure de cartes, ou un ensemble de répertoires secondaires, figés, non soumis à évolution. C'est la solution adoptée pour Darwin II et pour les répertoires perceptifs de Darwin III.
La notion de carte est clairement inspirée de la vision, peut-être aussi du toucher (cf. la projection déformée du corps sur le cortex), ou de la motricité. On a identifié plusieurs dizaines de cartes visuelles pour les singes, chacune détectant des traits différents, leur liaison permettant une intégration que l'on a encore du mal à comprendre (voir les notes sur le modèle RCI). Plus problématiques restent l'ouîe, le goût et l'odorat.
Pour Edelman, les cartes ont un rôle central dans la mesure où elles peuvent aussi porter sur l'activité d'autres cartes. Seules les premières couches sont topographiquement liées aux entrées ; les niveaux supérieurs, cartographiant des cartes (mapping of maps), permettraient selon Edelman des catégorisations de plus en plus abstraites. Peu de détails cependant sur ces "cartes de cartes": l'idée introduite dans (Edelman 1981) cède la place dans (Edelman 1989) à une séparation en deux niveaux, également cartographiés, mais où le concept de réentrance devient fondamental. On a ainsi une aire primaire, avec des cartes locales, puis des "multiple mutually reentrant and mapped secondary areas" (p.55), ce qui n'est pas très explicite.
Si on peut comprendre les origines du concept de carte, il reste néanmoins bien des choses à préciser. Ainsi, dans les cartes du modèle RCI, la topographie reste "triviale" : toutes les cartes reproduisent la matrice de capteurs (pixels) initiale, se différenciant seulement par leurs réponses à certains traits (ex. : une carte voit seulement les lignes verticales). Il n'y a donc aucune abstractisation dans la représentation. Il n'est pas clair non plus (dans Edelman 1989), comment celle-ci s'opère pour Darwin III.
La réentrance ne doit pas être confondue avec une simple rétroaction : elle apporte des informations nouvelles. La réentrance conduit en fait à un changement qualitatif lorsqu'elle procède de ce qu'Edelman appelle la mémoire des valeurs-catégories, vers les couches perceptives primaires et secondaires, puisqu'alors sont créées les conditions d'apparition de la conscience primaire. De même, la conscience d'ordre supérieur (celle de l'homme, liée entre autres au langage) doit principalement son existence à la connexion réentrante des aires de Broca et Wernicke vers les mémoires des valeurs-catégories, ainsi que vers l'appareil phonatoire.
Quant aux réalisations pratiques, la réentrance (directionnelle) est présente dans le modèle RCI, mais peut donner l'impression de servir uniquement à expliquer les illusions de Kanisza. Dans Darwin II, la catégorisation fonctionne à l'aide d'une réentrance transversale, formant un couple de classification.
Mon point de vue personnel est que la réentrance a quelque chose de "magique" chez Edelman, plus encore que le concept de global mapping. En effet, le seul endroit précis où elle intervient est dans le couple classifiant, où on comprend assez bien son rôle dans la généralisation. Elle peut constituer la base d'un apprentissage associatif, comme l'interprétation que nous en donnons dans notre simulation. Dans (Edelman 1989), elle semble être invoquée trop souvent, et avec trop peu d'explications, et risque d'apparaître comme un Deux ex machina, avec des propriétés un peu vagues. La terminologie légèrement fluctuante utilisée par Edelman peut contribuer à cette impression.
De plus, le schéma p.55 (Edelman 1989) présente seulement quelques éléments d'une telle cartographie globale, tout en étant lui-même assez complexe, et évite de rentrer dans les détails. Ce schéma regroupe les interactions entre un système perceptif (couches sensorielles et proprioceptives / cartes locales des couches primaires / "multiples" cartes secondaires réentrantes) et un système moteur, censé seulement orienter (ou focaliser) le système perceptif vers les objets perçus. S'il n'y avait cette dernière limitation, relativement sous-entendue, on pourrait y voir le schéma presque complet des fonctions minimales d'un être vivant. En fait, la partie motrice n'est pas encore reliée aux besoins, donc est asservie à la partie sensorielle (mouvements oculaires, toucher), comme dans Darwin III.
Il s'agit de deux cartes (Edelman les appelle aussi lamina, ou sheets), chacune pouvant détecter des traits dans une modalité sensorielle; elles peuvent soit être connectés chacune à une couche sensorielle, soit se trouver à un niveau plus élevé. Certaines paires de cartes sont connectées, dans les deux sens, par le renforcement de populations de synapses, pour une durée plus ou moins importante. Ainsi, les deux cartes se projettent l'une dans l'autre. Bien sûr, elles remplissent d'abord chacune leur fonction, qui est d'échantillonner (sampling) les stimuli reçus. Mais le fait de transmettre ses résultats à l'autre carte permet l'élaboration d'une réponse plus riche pour chacune des deux cartes.
Ce qui est plus étrange, c'est l'asymétrie entre ces deux cartes. Pour Edelman, l'une des deux est connectée en entrée à un détecteur de traits (feature detector, needed for individual aspects of exemplars), tandis que l'autre reçoit des corrélations de traits, ou caractéristiques générales de la classe (feature correlator, yielding mainly aspects of classes). L'asymétrie se situerait donc aux entrées, comme le montre l'exemple d'Edelman, avec la vue d'un côté, et le suivi de contour par le toucher (light touch on a moving finger) de l'autre. On sent l'inspiration de Darwin II et III.
andrei.popescu-belis@polytechnique.org